Invité de Questions d'info LCP/France Info/AFP, François Bayrou a estimé ce mercredi que la situation de la dette en France était "critique" et jugé que ce qui se passait en Grèce au niveau financier pouvait "arriver très rapidement en France".
Alors, une question d'actualité : la Cour des Comptes vient de rendre son rapport annuel, d'après elle, ce n'est pas uniquement la crise qui est responsable des déficits publics. Est-ce qu'elle est bien dans son rôle quand elle critique l'analyse du gouvernement ?
François Bayrou : La Cours des Comptes est dans son rôle, et surtout les citoyens devraient être dans leur rôle en disant qu'on est devant une dérive impossible à maîtriser à l'heure actuelle.
On a choisi de ne plus maîtriser la dérive.
Comme vous le savez, cela fait des années que j'ai sur ce sujet averti, annoncé, alerté. C'est un sujet qui concerne tous les citoyens et pas uniquement les magistrats de la cour des comptes.
Vous avez lu le rapport. Que dit-il ? Que le déficit est emballé parce que désormais l'intérêt de la dette va être si lourd qu'il va enfoncer toutes les digues. Aujourd'hui, l'intérêt de la dette représente 40 milliards d'euros environs, c'est-à-dire la totalité de l'impôt sur le revenu des Français. Tout l'impôt sur le revenu que chacun de nous assume correspond à la totalité de la dette. Il dit que dans les 2 ou 3 ans qui viennent cet intérêt va représenter 90 milliards. Il faudra plus de 2 fois plus que l'impôt sur le revenu des Français ce qui veut dire que la boule de neige est lancée et qu'on va se retrouver dans une situation critique.
Il n'y a pas de différence de nature dans les problèmes qui se passent en Grèce, en Espagne ou dans des pays comme le nôtre. Depuis des années, nous avons laissé filer sans précaution. Nous n'avons pas fait attention. Nous avons préféré le court terme au long terme, trahissant ainsi les générations qui viennent. Tant que nous n'aurons pas pris conscience - vous vous souvenez, durant la campagne présidentielle de 2007, j'avais dit, et j'ai tenu parole - « il n'y aura pas une intervention que je ferai et où je ne parlerai pas de la dette et du déficit ».
Qu'est-ce que dit la Cour des Comptes ?
Elle dit : "La Dette est hors de contrôle à partir du moment où on est obligé d'emprunter pour payer les intérêts".
Extrait du Rapport public annuel de la Cour des Comptes :
Sans action structurelle sur la dépense et sans préservation des recettes, la dette publique pourrait approcher 100 % du PIB en 2013, contre 77 % du PIB en 2009. Le recours supplémentaire à l’emprunt pour financer les « investissements d’avenir » ne peut qu’aggraver cette perspective. Or plus la dette publique est importante, plus il est difficile d’arrêter son emballement et, a fortiori, de la réduire. Pour ramener la dette publique à 60 % du PIB en cinq ans, il faudrait ainsi dégager chaque année un excédent de 30 Md€ si elle a atteint 80 % du PIB et de 100 Md€ si elle a atteint 100 % du PIB.
Mais l’ampleur des déficits est telle, surtout dans le domaine social, que la maîtrise des dépenses ne sera pas suffisante pour rééquilibrer suffisamment vite les comptes publics. Il faudra donc aussi augmenter le rendement des prélèvements obligatoires, notamment en réduisant fortement les dépenses fiscales et le coût des niches sociales.
CONCLUSION _____________________
Le déficit public atteint un niveau sans précédent en temps de paix et la dette s’emballe. Dans le contexte de crise de l’année 2009, les limites posées aux déficits et aux dettes ne pouvaient qu’être repoussées ou dépassées. Les inévitables pertes de recettes dues à la crise ont en effet été considérables.
Le déficit a cependant été aggravé par une maîtrise insuffisante des dépenses publiques et par des mesures de réduction durable des prélèvements obligatoires. Les règles instaurées en ce domaine ont été insuffisantes, ou n’ont pas été respectées, et les données provisoires disponibles montrent que le déficit structurel a ainsi été accru.
Il est urgent de le réduire rapidement : les marges de manœuvre pour affronter d’éventuelles nouvelles crises se sont considérablement amoindries et, plus les efforts de redressement seront différés, plus ils seront difficiles. Les règles qui visent à contenir la croissance des dépenses et à préserver les ressources publiques doivent donc être strictement respectées et, pour certaines, renforcées.
Mais les règles ne suffiront jamais pour assurer le redressement des comptes publics qui viendra seulement de réformes structurelles d’une ampleur suffisante pour ralentir durablement et sensiblement la croissance des dépenses. La dégradation des comptes, notamment dans le domaine social, est toutefois telle qu’il faudra aussi augmenter le produit des prélèvements, notamment en remettant en cause les multiples « niches » qui le minorent.
Les ajustements nécessaires devront être réalisés quand l’activité sera suffisamment soutenue, mais aussi avant que la politique monétaire européenne ne soit resserrée et en profitant du soutien qu’elle apporte actuellement à la croissance.
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